Geoconcept
SIG | 8 MIN DE LECTURE

Comment faire une bonne carte ?

 25 févr. 2021

La cartographie est un puissant outil de compréhension et d’aide à la décision. Mais pour produire des cartes utiles et efficaces, il faut respecter un certain nombre de règles. Êtes-vous certain de connaître ces règles et de les maîtriser ?

Dans le monde de l’entreprise, la cartographie numérique s’est largement démocratisée et ses usages sont de plus en plus diversifiés. Les cartes sont ainsi couramment utilisées pour :

  • Analyser et présenter des résultats d’activité
  • Localiser les clients, les actifs, les ressources, les concurrents…
  • Affecter des territoires/portefeuilles équilibrés aux techniciens ou à la force de vente
  • Déterminer le potentiel commercial d’un territoire en fonction de ses caractéristiques sociodémographiques
  • Matérialiser des flux de marchandises et des déplacements de personnes
  • Définir des zones de chalandises, des zones d’influence
  • Comparer des zones d’implantation selon de multiples critères

Si les logiciels de cartographie facilitent considérablement la production et la diffusion de tous types de cartes, ils ne garantissent pas intrinsèquement la qualité des cartes produites. Pire, les multiples modes de représentation et options graphiques que proposent ces outils peuvent conduire les non spécialistes à créer des cartes qui manquent de pertinence, quand elles ne sont pas tout simplement fausses ! Un sérieux problème pour des documents censés étayer des analyses et éclairer des prises de décisions…

Voici de quoi éviter les principaux pièges et vous aider à produire des cartes qui servent vraiment vos objectifs.

Les caractéristiques fondamentales d’une bonne carte

Une bonne carte thématique est avant tout une carte qui délivre un message immédiat, parce que le mode de représentation choisi est adapté au sujet traité et s’appuie sur des conventions graphiques (symboles, couleurs) que le cerveau comprend sur-le-champ. Ces conventions ne sont pas le fruit du hasard. Elles constituent un langage visuel dont les principes, les règles et les limites résultent tous des exigences physiologiques de l’œil humain.

En conséquence, pour être de bonne qualité, une carte doit être :

  • lisible et rendre évidente/percutante/saillante une information particulière – typiquement, des différences, des déséquilibres, des corrélations ou une hiérarchie qui seraient beaucoup plus difficiles à détecter et à comprendre dans des séries de données ;
  • juste, précise et fiable, ces adjectifs renvoyant à la pertinence des choix graphiques, à leur adéquation au niveau d’information que l’auteur souhaite communiquer, mais aussi à la qualité des données utilisées et à la rigueur du traitement dont ces données ont fait l’objet ;
  • agréable à regarder, critère moins subjectif que l’on pourrait l’imaginer dans la mesure où les choix esthétiques de l’auteur sont nécessairement encadrés, d’une part, par l’exigence de lisibilité et, d’autre part, par le respect des règles fondamentales de la sémiologie graphique.

Les questions préalables qui évitent bien des erreurs

La grande facilité actuelle à créer des cartes conduit souvent les non spécialistes à produire :

  • des cartes inutiles, c’est-à-dire ne véhiculant aucun message ou fournissant moins d’informations que les tableaux de données dont elles sont tirées. Dans certain cas (série de données limitée ou très homogène, lien géographique faible ou non significatif…), un histogramme est plus approprié qu’une carte.
  • des cartes surchargées, faute de sélectivité au niveau des phénomènes et des objets représentés. Entrent dans cette catégorie les cartes « trop bavardes » où il y plus à lire qu’à voir. Une carte thématique efficace est obligatoirement sélective et plus visuelle que textuelle.
  • des cartes transmettant un message que les données contredisent, par manque de maîtrise des conventions de représentation ou des traitements réalisés sur les données sources. Si l’auteur ne fait pas la différence entre moyenne et médiane, il peut en toute bonne foi élaborer une carte qui lui paraîtra juste alors qu’elle sera fondamentalement erronée.

Pour ne pas tomber dans ces pièges, ne foncez pas tête baissée dans les fonctionnalités de votre logiciel. Commencez par réfléchir en vous efforçant de répondre aux questions suivantes :

  • Quel est le message principal que je veux faire passer à travers cette carte ?
  • A qui s’adresse-t-elle ?
  • Quelles sont les données correspondant à ce que je veux montrer ? Sont-elles disponibles ? Sont-elles de bonne qualité ? Les séries sont-elles complètes ? Quelles sont celles que je sélectionne et pourquoi ?
  • Quel traitement appliquer à ces données et comment hiérarchiser les informations pour rendre ma carte plus éloquente ?

Vous n’imaginez pas le temps que cet exercice de réflexion et de clarification peut vous faire gagner lors de l’étape suivante, c’est-à-dire la construction proprement dite de votre carte – sans parler de la qualité du résultat !

5 conseils pour des cartes thématiques efficaces

1 – Choisissez un fond de carte adapté à votre sujet. Inutile de vous encombrer des limites communales si toutes les données que vous comptez utiliser sont départementales. Le fond de carte est un support indispensable, mais il doit se faire discret et ne pas perturber la lecture des éléments signifiants de la carte. Pour cette raison, optez pour un tracé fin des entités administratives, en gris moyen plutôt qu’en noir.

fond-carte-trop-present

2 – Travaillez à la bonne échelle – A l’écran, vous pouvez zoomer bien sûr. C’est pratique, mais c’est aussi trompeur, surtout si vos cartes sont destinées à l’impression. Les détails que vous avez fignolés, commune par commune, en zoomant au maximum à l’écran sur une carte nationale ont toutes les chances d’être illisibles une fois la carte imprimée au format A4.

3 – Éliminez les couches d’informations superflues ou « hors sujet » – Les bases de données cartographiques vous permettent d’afficher séparément les entités surfaciques, les routes ou encore le réseau hydrographique. Est-il bien nécessaire de faire apparaître ce dernier si vous voulez cartographier le chiffre d’affaires d’une de vos catégories de produits par commune ou par département ?

4 – Ne multipliez pas les formes d’expression graphiques – Il peut être tentant, pour présenter le maximum d’informations sur une même carte, d’avoir recours à des plages de couleurs pour une série de données, à des trames (hachures, points) surimposées à la couleur pour une deuxième, à des symboles proportionnels pour d’autres séries et, enfin, à des histogrammes ou à des camemberts. Votre carte, théoriquement très riche, sera simplement « inutilement compliquée », pour ne pas dire totalement illisible.

carte-surchargee
3 séries de données, dont 2 représentées sous forme de demi-camemberts accolés et proportionnels à la population totale de la commune, 21 couleurs, une légende qui n’en finit pas… Au final, une carte bariolée où la seule information immédiatement compréhensible est la densité de population. Et encore ! Quel est l'intérêt de faire une telle classification pour 47 malheureuses communes ?
Si toutes les informations que vous souhaitez présenter sont vraiment importantes, il est souvent plus judicieux de faire plusieurs cartes qui se complèteront.

5 – Ne négligez pas les éléments d’habillage – Une carte thématique comporte obligatoirement :

  • Un titre énonçant clairement le thème étudié, la zone d’étude et la date/période étudiée. Par exemple : « Évolution des effectifs en magasin, France – 2012-2020 » ou « Effectif des agences, France et Allemagne – 2012 » ;
  • Une légende explicitant TOUS les éléments graphiques (signification de chaque symbole, de chaque couleur, échelle de taille des symboles…). Ce n’est pas une option ! Sans légende ou avec une légende incomplète, votre carte risque d’être incomprise ou mal interprétée. N’oubliez pas que votre légende doit, elle aussi, être aisément lisible et ne pas laisser place à l’interprétation ;
  • Les sources utilisées, si possible datées ;
  • Le nom de l’auteur.

Même en cartographie thématique, la mention de l’échelle n’est pas optionnelle. En revanche, l’indication du nord n’est pas indispensable, sauf si vous choisissez délibérément de rompre avec la convention en mettant le nord en bas !

Le traitement statistique n’est pas neutre !

Qui dit cartographie d’une donnée statistique dit discrétisation, procédé consistant à transformer une série statistique brute en une série ordonnée divisée en classes. Pour que votre carte soit parlante, la discrétisation doit conserver l’ordre de grandeur, respecter la forme de la distribution et maximiser l’hétérogénéité entre les classes. Il existe de nombreuses techniques/méthodes de discrétisation (basées sur la moyenne, la médiane, l’écart-type, des quantiles, les écarts médians…). Les méthodes suivantes font parties des plus utilisées en cartographie :

  • La méthode des amplitudes égales, à utiliser quand la distribution de la donnée traitée est répartie de façon uniforme entre le minimum et le maximum ;
  • La méthode des quantiles, consistant à construire des classes d’effectifs à peu près égaux ;
  • La méthode des seuils observés, voisine de la méthode de Jenks (dite « des seuils naturels »), consiste à minimiser la distance intra-classes et maximiser la distance inter-classes ;
  • La méthode de l’écart-type, réservée aux distributions en cloche, dites gaussiennes.

Pour une même série de données (nombre de dentistes pour 100 000 habitants en 1990, dans l’exemple ci-dessous) vous pouvez obtenir des classes et donc des cartes très différentes selon la méthode de discrétisation choisie.

carte-methode-discretisation

Quelle que soit la méthode choisie pour servir votre propos, gardez à l’esprit qu’au-delà de 7 classes, votre carte devient plus difficile à lire, même avec un choix de couleurs judicieux. La seule solution : retravailler votre découpage pour avoir entre 4 et 7 classes.

La couleur oui, mais pas n’importe comment !

Tous les logiciels de cartographie vous permettent d’appliquer une variable de couleur aux éléments surfaciques, et des variables de taille et de couleur aux éléments linéaires et ponctuels qui constituent votre carte. Mais attention : tout ce qui est techniquement faisable n’est pas pour autant souhaitable !

Pour les surfaces, dans quel cas utiliser un dégradé de couleurs ou des symboles proportionnels ? La réponse est simple : quand il s’agit de données statistiques relatives, un ratio, un taux, utilisez un dégradé de couleurs sur les surfaces du territoire concerné et utilisez une série de symboles proportionnels pour des données de masse, des quantités brutes.

La représentation des classes statistiques par des couleurs obéit à des règles qu’il n’est pas inutile de rappeler :

  • la classe correspondant aux valeurs les plus élevées est la plus foncée ;
  • les classes de valeurs positives se traitent généralement en couleurs chaudes (rouge, orangé, jaune et leurs dérivés), les classes de valeurs négatives en couleur froides (principalement les bleus) ;
  • un ordre ou un classement s’exprime par une gradation de couleur et de valeur sous forme de camaïeu ou d’harmonie de nuances (dans l’ordre où elles se présentent dans l’arc-en-ciel). Notez qu’en cartographie le blanc est réservé aux zones pour lesquelles vous n’avez pas de données. Ne l’utilisez pas pour les valeurs les plus faibles de votre distribution.
couleurs-dapres-poidevin

Un bon test pour savoir si vos échelles de couleurs sont distinguables et lisibles : basculez votre carte en niveau de gris et repérez les nuances trop proches afin de les retravailler.

Il y aurait encore des millions de choses à dire sur l’art et la manière de créer de bonnes cartes. En suivant ces quelques conseils, non seulement vous éviterez les grandes erreurs des débutants, mais vous utiliserez beaucoup mieux les capacités de votre outil cartographique – pour dire exactement ce que vous voulez et révéler ce que contiennent vos données.

Vous aimerez aussi :

Pourquoi investir dans l’intelligence géographique...

[Interview] Comment les communes de Suisse Romande...