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Field service management Tendances | 6 MIN DE LECTURE

Machine learning : un cas d'usage probant dans le domaine du field management

 5 déc. 2019

Crédits photo : Katarzyna Pe - Unsplash

Après plusieurs années de « hype » sur l’intelligence artificielle (IA), on commence à avoir des retours d’expérience sérieux sur l’apport du machine learning dans les métiers d’intervention sur site, notamment sur les problématiques de prévision et d’optimisation de ressources. Avant de vous présenter un exemple d’application que je trouve très convaincant, il n’est pas inutile de rappeler la condition absolument indispensable pour que ces algorithmes apportent de la valeur.

Pas d’IA à tout faire. Pas d’IA sans data !

La promesse de l’intelligence artificielle est l’automatisation d’un nombre croissant de tâches cognitives – simples mais répétitives ou, au contraire, complexes – grâce aux algorithmes regroupés sous le nom de machine learning (incluant le deep learning), littéralement « apprentissage machine ». La particularité de ces algorithmes, ce qui les différencie des programmes logiques classiques, c’est leur capacité à traiter des cas pour lesquels ils n’ont pas été explicitement programmés. Comment ? En « généralisant » à partir des données utilisées pour les « entraîner » lors de la phase d’apprentissage.

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Cet apprentissage n’a rien de magique ! Il est statistique. Un algorithme de machine learning n’apprend qu’à partir d’un très grand nombre d’exemples. C’est dans ces données d’apprentissage qu’il identifie les invariants, corrélations ou récurrences qui vont lui permettre, dans un deuxième temps, de « généraliser », et donc de traiter correctement – avec une probabilité de réussite élevée – des données qu’il n’aura jamais vues. Qu’il s’agisse de prédire un résultat, une quantité ou un horaire, ou d’identifier un comportement, un objet ou une situation, l’algorithme ne peut donner des résultats satisfaisants que s’il a été entraîné avec des données pertinentes au regard de la problématique considérée et statistiquement représentatives des variations du phénomène que l’on cherche à modéliser.

Ce qu’il faut retenir :

  • L’apprentissage d’un algorithme de machine learning exige toujours la disponibilité d’échantillons de données de bonne qualité et en quantité suffisante. On sait tous que des statistiques élaborées à partir de faibles volumes de données conduisent à des généralisations abusives…
  • La nature statistique de cet apprentissage implique un taux d’erreur qu’il est essentiel de déterminer car c’est lui qui conditionne la fiabilité et l’efficacité de l’application envisagée, voire sa pertinence : si seulement 50 % des prédictions d’heure d’arrivée que vous obtenez à l’issue de la phase d’apprentissage sont justes, l’application a-t-elle vraiment un intérêt ?

Un exemple de localisation des stocks de pièces de rechange optimisée par l’IA*

Engie Home Services assure l’installation, la maintenance et la réparation des chaudières, climatiseurs et pompes à chaleur de 1,5 millions de foyers. L’entreprise s’appuie sur :

  • un maillage géographique de 230 agences, chacune de ces agences ayant son propre stock de pièces détachées ;
  • 3 300 techniciens qui réalisent 14 000 interventions par jour, avec 3 300 véhicules dans lesquels il y a aussi des stocks.

La promesse d’Engie Home Services à ses clients est la réparation du premier coup. Cela implique une gestion fine de la disponibilité des techniciens et des compétences de ces techniciens, mais aussi des pièces détachées présentes dans chaque véhicule : pour que la promesse soit tenue, le technicien qui intervient doit non seulement être capable de diagnostiquer la panne, mais aussi avoir dans son véhicule les pièces nécessaires à la réparation. Toute la difficulté est de déterminer quelles sont les pièces qu’il faut avoir dans chaque véhicule et dans chaque agence.

Or, en raison de la grande diversité des marques, modèles et types d’appareils, Engie Home Services gère au total 1,4 million de références de pièces de rechange. Dans les agences, il y a en moyenne 3 000 références, et entre 150 et 200 dans chaque véhicule. 

« Compte tenu du nombre d’agences et de véhicules, on arrive là à un niveau de complexité que l’humain ne sait plus bien gérer » explique Stéphane Moillic, Directeur Supply Chain d’Engie Home Services. D’où l’idée de recourir à l’intelligence artificielle (machine learning) pour anticiper les besoins et dimensionner les stocks en conséquence, en partant pour cela des données historiques de mouvements de stocks et des données sur le parc de chaudières, avec trois objectifs :

  • Baisser la valeur des stocks ;
  • Augmenter la disponibilité des pièces ;
  • Réduire les frais de transport.

Après une expertise de la qualité de ces données et une phase d’apprentissage, un test grandeur nature a été réalisé sur l’approvisionnement de 9 agences, pendant 9 mois, en intégrant toutes les contraintes d’activité, notamment la saisonnalité. Le test ayant été concluant sur les trois objectifs, le modèle a été validé et a été étendu en 6 mois à l’ensemble des agences, avec les résultats suivants :

  • 15% de baisse des coûts de transport ;
  • réduction de 10% de la valeur globale des stocks ;
  • amélioration de 5% de la disponibilité des pièces.

Ce n’est qu’un début ! Lors de la conférence où ce cas a été présenté, en mars 2019, Engie Home Services s’apprêtait à lancer la phase 2 du projet, à savoir la gestion des stocks des 3 300 véhicules d’intervention, et anticipait une phase 3 en lien avec le développement des chaudières connectées : « à partir de toutes les données de ces appareils, on saura de mieux en mieux quelles sont les pièces qui sont susceptibles de lâcher, estimait Stéphane Moillic. En 2025, le technicien aura dans son véhicule les pièces nécessaires avant même de savoir qu’il en aura besoin ! »

Pas de projet d’IA réussi sans conduite du changement

Dans la première phase de son projet, Engie Home Services a dû rassurer et accompagner les 230 personnes qui géraient jusque là les stocks de pièces de rechange dans les agences. Impossible évidemment de se contenter de leur dire « maintenant c’est une machine qui va le faire à votre place ».

Une anecdote illustre assez bien le type de craintes que peut susciter un projet de cette nature chez les opérationnels : quand l’algorithme fait des prévisions de consommation de pièces de rechange sur 8 ou 12 semaines, il y a des moments où elle prédit qu’il y aura zéro consommation de certaines pièces. Elle met donc le stock à zéro pour ces références. L’humain, lui, se dit que zéro, c’est un risque… Il a fallu rassurer les collaborateurs en ajoutant une pièce lorsque ce cas se présentait, avec l’idée de vérifier a posteriori si cette pièce avait été utilisée ou non. Au final, dans 95% des cas, c’est la machine qui avait raison : il n’y avait effectivement pas eu de consommation. Cette approche a permis aux collaborateurs de comprendre que la machine est avant tout une aide à la décision, qu’elle ne les dépossède pas leur savoir-faire. 

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Quand un humain dispose du temps nécessaire pour étudier un cas à fond, il fait souvent mieux que la machine, mais avec tant de références et plus de 200 agences, il est absolument impossible d’étudier tous les cas à fond. C’est dans le passage à l’échelle que la machine est supérieure à l’humain. L’humain reste irremplaçable dans tout ce qui est nouveau ou non routinier.

Dans le cas d’Engie Home Service, la nouveauté, c’était le plan des chaudières à 1 euro. Ils ont pu s’y consacrer parce que le reste était sous contrôle, géré par l’IA. De même, quand l’entreprise récupère la maintenance des chaudières d’un immeuble entier, par définition elle n’a pas de statistiques sur les mouvements de stocks liés à ces chaudières. « C’est l’humain qui a les compétences pour gérer ces situations. Ensuite, au bout d’un ou deux mois, la machine peut prendre le relais. C’est ce changement de mission qu’il est crucial d’accompagner » conclut Stéphane Moillic.

* Retour d’expérience présenté le 27 mars 2019 dans le cadre de la SiTL

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